J’ai un rayon de livres « petites perles » dans lequel je range les livres découverts par hasard, peu médiatisés, d’une beauté telle que l’on a l’impression d’avoir été choisi par les Dieux en étant tombé dessus. J’ai trouvé celui-ci dans une bonne librairie, et c’est toujours un plaisir d’y retourner comme quand on a découvert un bout de plage déserte et que l’on conserve égoïstement l’adresse.
Avec une écriture enlevée, une action concentrée, l’auteur déroule ses histoires longues comme une vie, l’espace d’une aube. Point de contemplation dans ce livre, mais une poésie autour d’histoires intensément vécues qui se déroulent dans des endroits fabuleux.
L’histoire que raconte ce livre est aux antipodes d’une histoire de vie réglée d’homme moderne. Au lieu de se lever et d’attendre qu’une idée lumineuse vienne le secouer, le narrateur se lève avec le soleil pour cueillir la première fulgurance, la plus belle. La plus vierge. L’aube de l’aube. Ce livre pourrait être un guide de voyage, pour apprendre à saisir ce qu’il y a de plus beau, seul, à deux ou à trois, entre gens qui savent se taire et apprécier les aubes. C’est un livre qui parle de l’éternel recommencement de la vie. De l’émerveillement. Un de ces livres lumineux qui font un bien fou.
J’ai lu ce livre plusieurs fois ; et comme tout bon cru, si je le relisais encore une fois, je vous raconterais une tout autre histoire.
Les bonheurs de l’aube ; Léon Mazzella ; Editions La Table Ronde.
Quelques extraits:
« Tout va commencer. Nous nous tenons à la bonne distance. La vague, le jour, le vent, le monde, vont se lever. Nos corps assis sur les planches. Le vent d’Est creuse la mer, de plus en plus bleue. La houle nous soulève comme des chevaux de bois. Nous touchons à cette fin qui n’est qu’un début. Maintenant survient la première série de vagues. »
« Il y avait parmi nous des voyageurs avides d’espaces vierges, une équipe de télévision, un photographe poursuivant le cliché unique, un gros propriétaire terrien, trois fils de bonne famille en mal d’aventures, des brigands mongols reconvertis en gardes forestiers, deux cuisiniers chinois et des cavaliers nomades, silencieux, au regard acéré. Ils dorment à l’écart, près de leurs petits chevaux. »
« Au moment précis où notre chasseur suisse interrompit ses récits formidables pour boire un verre de whisky, l’un de nos guides roumains, paysan réduit à l’écoute et au silence, aux bas morceaux et à la pénombre, murmura dans un français impeccable : « Madame, il fait grand vent et j’ai pris trois loups. Charles X, lettre à sa femme. » Il inclina son visage au-dessus de son assiette vide. Il retournait au silence et à la pénombre. J’applaudis une seconde. »
« Mais la première bouffée de ce cigare mercenaire, sans marque, à l’heure où les premiers rayons de soleil caressaient notre peau, me donna l’impression d’aspirer un peu de l’haleine des Dieux. Sa fumée rejoignait les nuages. Je fermais les yeux pour mieux ressentir la combustion du bonheur. »
Objectif atteint ! Tu en donnes juste assez pour qu'on ait envie de le lire.
Sachant ce que j'ai lu de toi, je pense qu'il te plaira. Ce recueil que j'ai déjà offert plusieurs fois est un petit bijou.