Trente ans d’amour fou de Dominique Rolin (Editions Gallimard)

« Mon plaisir est tout entier ramassé au niveau de mon poignet droit, on dirait un bracelet d’or, et la ville vient s’y fondre. Dans la chambre aux trois fenêtres, Jim collabore sans le savoir au phénomène. Un fluide que nous connaissons bien permet ce genre de dissolution concentrée. Il écrit. J’écris. Il est lui. Je suis moi. » Que penser de ces immersions dans le quotidien de ce couple d’écrivains, Dominique Rolin et Jim, qui vit dans une symbiose créatrice parfaite et s’isole régulièrement à Venise ? Est-ce que ce livre est d’inspiration autobiographique ? Les autobiographies n’ont jamais été ma tasse de thé. Les romans introspectifs, s’ils s’ouvrent dès les premières pages sur le monde m’intéressent. L’autobiographie amoureuse ou les témoignages de tragédie familiale me lassent. Et pourtant ici le propos est universel. L’histoire est universelle. Tout d’un coup, après une première impression ambiguë, faite d’une succession de réticences et d’attractions, on s’immisce dans une histoire intime, Continuer la lecture de « Trente ans d’amour fou de Dominique Rolin (Editions Gallimard) »

Excessive violette

C’est en passant derrière cette femme très fardée de la cinquième avenue à New York dans les années quatre-vingt, cette femme avec une coupe de cheveux à la Sue Ellen, que j’ai détesté le parfum de la violette. J’étais enfant mais je m’en souviens très bien. C’était un parfum poudré, âpre, qui s’accroche à la gorge comme autant de petits grains de poudre de riz, comme si je l’avais inhalé. C’était juste une impression car je ne pense pas que sa poudre se détachait. Elle était même terriblement fixe, comme sortie d’un moule de sculpteur. Continuer la lecture de « Excessive violette »

Epître à Madame ma main gauche de Iouri Bouïda traduit par Sophie Benech (Editions Interférences)

« … la vue de la putain nue aux cheveux défaits et aux longues jambes noueuses qui est soudain sortie par la porte du mausolée en bâillant paresseusement… Nous l’avons suivi des yeux jusqu’à ce qu’elle soit hors de vue‏ ».

Prodigieuses créatures de Tracy Chevalier traduit par Anouk Neuhoff (Editions La table ronde)

 

Voici un très bon livre qui va vous soulever grace à un grand souffle romanesque même si, comme moi, les fossiles ne vous ont jamais intéressés. L’histoire se situe sur la côte sud de l’Angleterre, dans le Dorset à Lyme Regis. Le paysage est constitué de falaises menaçantes qui recèlent des strates et des strates de vies ensevelies. Les terres calcaires, tantôt solides tantôt argileuses, érodées par les vagues et les pluies fréquentes, dévoilent des trésors cachés, des fossiles, des curios, de petites pierres au relief circulaire, et aussi d’énormes structures avec des colonnes vertébrales longues, de grandes nageoires, des espèces aux formes intrigantes non répertoriées dans les manuels scientifiques.

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La vie princière (Collection l’Infini, Editions Gallimard) et l’invité (Revue l’infini 141) de Marc Pautrel

 

J’ai découvert Marc Pautrel dans le dernier numéro (141) de la revue de Philippe Sollers, l’Infini, dans un récit intitulé « l’invité ». J’ai été séduite par son écriture sobre et ne le connaissant pas, j’ai acheté son dernier livre « La vie princière ». Les deux textes racontent des rencontres dans un lieu idyllique (une retraite pour chercheurs ou écrivains en Provence). Le narrateur, un homme, déroule ses pensées. Sans grande envolée lyrique, il nous conte la naissance, l’évolution puis la dissolution du sentiment amoureux. La vie sociale qui nous happe. Chaque récit décrit le déroulement de ces journées dans ces lieux de retraite : la rencontre à deux, la rencontre avec les autres, la rencontre à travers le regard des autres, et comme chacun de nous l’a déjà vécu, le cheminement de sa pensée, cheminement au cours duquel il revient sur sa filiation, son éducation, son origine sociale, sa relation avec sa mère. Continuer la lecture de « La vie princière (Collection l’Infini, Editions Gallimard) et l’invité (Revue l’infini 141) de Marc Pautrel »

« Vers la lumière » de Naomi Kawase

Les films sont souvent sources d’inspiration pour les écrivains. Celui-ci, une fois n’est pas coutume, est en relation directe avec le processus d’écriture puisqu’il traite de la difficulté à transmettre une scène par les mots. C’est une question que se pose évidemment tout écrivain : comment transmettre une scène avec la bonne distance ? Et la réponse ici est apportée par les seuls qui peuvent finalement y répondre avec objectivité : les malvoyants.

« Vers la lumière » de Naomi Kawase parle du travail minutieux et patient qu’il faut déployer pour choisir les mots, de la difficulté à nommer et susciter des émotions, à dévoiler une forme de visible tout en ne la figeant pas dans une interprétation unique. On comprend que l’exercice est difficile quand on assiste à la confrontation entre une audio-descriptrice de films, Misako, et des malvoyants qui critiquent son travail pour l’aider à faire évoluer son texte. Les malvoyants ont, comme on peut l’imaginer, une imagination féconde, une capacité à ressentir des émotions avec peu de mots. Continuer la lecture de « « Vers la lumière » de Naomi Kawase »

Merci


Cher tous,
 

Au terme de ces trois mois de publication indépendante, après cette trêve hivernale, je souhaite faire un premier bilan et surtout vous remercier pour vos lectures régulières et pour l’attention particulière que vous portez à mes propres écrits. Les outils de Google me permettent de voir quelles pages vous plaisent le plus. Et devinez quoi ? A ma grande surprise, il y a un accord complet entre mon appréciation et la vôtre, ce qui me ravit au plus haut point ! Quand j’aime beaucoup un passage, vous l’aimez aussi et c’est une très bonne nouvelle qui vous dispense presque de me laisser des commentaires ! Je dois reconnaître que cette cohérence me fait TRÈS plaisir et qu’elle est tout à fait inattendue ! Je rends donc hommage à ces outils statistiques qui me fournissent cette indépendance et me permettent de m’exposer à vos appréciations tout en poursuivant mon travail d’écriture sans avoir à me soumettre à des courants de mode ou à des contraintes commerciales quelconques.

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Le buveur de lune de Goran Tunström traduit par Marc de Gouvenain et Lena Grumbach (Editions Actes Sud)

Voici un livre que j’ai récupéré sur les étagère de mon futur appartement et je me suis donc dis qu’il va nécessairement m’apporter beaucoup.
 

Après avoir avalé toutes les lunes poétiques de la terre, l’auteur Goran Tunström déverse dans ce livre à nos pieds des idées scintillantes, des notes de musique, des grondements, de grands débats philosophiques menés avec humour, des rayons de soleil sur une terre râpée comme une lune, des parfums enivrants et beaucoup de repas proustiens : soupes de mûres et poulet piri piri, chèvres frits à la sauce au basilic (à tester sans plus attendre à cette saison avec une vinaigrette au basilic).

Ce livre retrace l’histoire d’une relation entre un père fantasque et son fils. L’univers créé par Goran Tunström est émaillé de débats philosophiques très drôles sur la musique échangés à bâtons rompus, de situations diplomatiques rocambolesques (une histoire sur la présence du raifort au Nigeria m’a beaucoup fait rire), de pensées philosophiques sur le sens de la vie si vraies et si amusantes. Il faut bien vivre dans une contrée où l’hiver est rude pour accoucher d’un livre pareil ! A n’en pas douter, la littérature nordique est un excellent antidote à l’hiver !

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L’invasion du désert d’Eric Marty, à partir de photographies de Jean-Jacques Gonzales (Editions Manucius)

 

Quand j’ai commencé ce livre j’ai eu l’impression de retomber en enfance, quand mon grand-père me disait : « Attention, je vais te raconter une histoire », sauf qu’à cette époque, son jardin recelant de plantes et de lutins tenait lieu de décor. Ici, on contemple par la fenêtre un paysage sec lunaire, que des cailloux séculaires peuplent sans que le moindre souffle de vent vienne instiller un changement. Rien ne bouge. Dans la pièce, depuis la fenêtre, le paysage morcelé dévoile des formes difficiles à circonscrire. Un couple observe cette scène derrière une fenêtre et Eric Marty nous livre leur conversation. Ce couple réveille des scènes sous nos yeux pendant que l’eau d’une marmite, d’où surgit tantôt un oignon tantôt une patte de poulet, bouillonne dans l’âtre. Continuer la lecture de « L’invasion du désert d’Eric Marty, à partir de photographies de Jean-Jacques Gonzales (Editions Manucius) »

Je fus homme autrefois de Sarah Taupin (Editions Lunatique)

 

Cinq nouvelles qui pourraient être des contes, des légendes… une vision du monde. Au choix. Dans des huis clos intimistes, on plonge dès les premières phrases dans un univers violent ou étrange et douillet où la cruauté guette, pas si loin, parfois à portée de main, parfois surgie d’une main qui pétrit le pain. Continuer la lecture de « Je fus homme autrefois de Sarah Taupin (Editions Lunatique) »